A l'adjectif ésotérique, on oppose le terme « exotérique », du grec exôterikos (« destiné au public »). On reconnaît l’ésotérisme dans la nécessité de posséder non seulement une connaissance « autre », mais surtout de faire référence à un mode de vie le séparant des autres – son savoir et le « non-savoir » des autres. L’accès au savoir ésotérique est refusé aux profanes, isolés par les barrières des symboles dressés en vue de circonscrire une culture, de lui assigner une valeur spécifique et de la cacher aux non-initiés. L'ésotérisme relève ainsi d'une initiation; les initiés sont peu nombreux, au regard du public. Pourtant, j'estime qu'il n'est pas nécessaire de rendre cet univers hermétique au grand public. Au contraire, c'est en le révélant au plus grand nombre, qu'on ouvrira une porte sur une meilleure perception de la Nature du monde, des liens qui unissent le Tout.
Sous un certain angle, on pourrait dire que la définition d’ « exotérique » renvoie principalement à la forme, alors que celle d’ « ésotérique » est surtout en rapport avec le contenu. Cette répartition des rôles est une des clefs de voûte de l’ésotérisme, ou l’harmonisation entre expression et contenu, jusqu’à leur résonance totale, détermine le rôle principal du symbole.
Le recours au symbolisme implique que l’ésotérisme utilise un ensemble de forme et de figures permettant d’arriver à des évocations particulières qui répondent à des nécessités précises d’expression. C’est justement parce ce qu’il se fonde sur cette structure symbolique qu’on peut définir l’ésotérisme comme la doctrine selon laquelle une science particulière ne sera pas enseignée aux non-adeptes. Une définition relative, car ce qui est secret et réservé dans un groupe ou un pays ne peut pas l’être ailleurs.
C’est ici qu’apparaissent deux aspects de l’ésotérisme, plus exactement deux « applications » :
l’une pratique, comprenant des connaissances et des rituels non accessibles aux profanes, en un langage crypté ;
l’autre intérieure, faisant de l’ésotérisme une expérience de vie en harmonie avec le reste de l’univers.
A voir comment on s’est acharné contre les templiers, les adamites, les rose-croix, les francs-maçons et bien d’autres, l’intérêt à dé-diaboliser ces groupes qui ne s’intéressent qu’aux aspects philosophiques de l’existence est évident. Un tel comportement pénalisant s’est encore accru quand les médias se sont intéressés à l’ésotérisme, parfois en mélangent tout. Ainsi, on a superficiellement rendu publiques, du fait de leur aspect marginal, des cultures ésotériques interprétées comme des expériences à condamner globalement, et qui n’avaient rien à voir avec les règles et le contenu philosophique de certains groupes.
Pour certains, le devoir de communiquer l’expérience mystique est le plus difficile, car à l’évidence, il n’existe aucun langage pour exprimer ce qui, du fait de son essence, est inexprimable. C’est pourquoi on utilise souvent des stratagèmes tels que similitudes, métaphores et paradoxes, avec beaucoup d’images relatives au monde sensible. Outre l’expérience sensible, il n’existe pas d’autre moyen pour décrire l’expérience mystique que le langage lié à la perception des sens. Les images des sens doivent servir de symbole à ce qui n’a pas d’équivalent sensible. Le recours au symbole devient donc un moyen « alternatif » pour parler avec le sacré, approcher l’ésotérisme, par le biais d’itinéraires de l’esprit que chacun essaie de saisir dans les signes, les reflets, les formes qui se transforment continuellement. Le tout, alors que le langage secret du mythe ne cesse de nous cerner avec ses hypothèses et ses provocations.
Il ne faut pas oublier que l’équilibre est la première valeur de l’observateur, conditionné par sa propre culture. Aujourd’hui, il est difficile d’affronter une entreprise de ce type, en particulier pour deux raisons :
nous ne connaissons pas précisément la signification de ce que nous observons en rapport avec son contexte culturel et historique.
l’afflux incessant d’images, typique de notre époque, rend paradoxalement difficile une interprétation objective des images du passé.
Tiré de « Le regard ésotérique » écrit par Jean-Pierre Laurant, aux éditions Bayard.
Tiré de « Le symbolisme ésotérique » écrit par M. Centini aux éditions De Vecchi.